Intervention Najah Naffah table ronde sur la Cyber4Finance

12 avril 2022, Terrasse Discovery , Saint Aubin

Pour vous donner des perspectives des crypto monnaies et de leur impact sur le monde des finances, j’aimerais commencer par quelques chiffres afin d’illustrer l’institutionnalisation des crypto monnaies dans le secteur financier, ensuite rappeler un peu d’histoire depuis son démarrage en 2009 et ce qu’elle est devenue 13 ans après, et enfin aborder les perspectives et bien sûr les risques

Pour les chiffres, la capitalisation des cryptomonnaies a dépassé en 2021 les 2 trillions d’euros (ou 2000 milliards euros). Ce qui situe cette capitalisation entre l’industrie automobile estimée à 3 trillions et celle des télécoms estimées à 1,7 trillions (sachant que la première capitalisation au monde est celle du secteur financier qui représente 22 trillions suivi par le secteur agroalimentaire qui représente 5 trillions et le secteur énergie qui représente 4,6 trillions)

Signalons aussi la volatilité excessive de ce secteur qui rend la monnaie inutilisable pour les achats et le commerce traditionnel. Aujourd’hui à l’heure où je vous parle, la baisse du bitcoin à 40 K$ (qui a un effet sur l’ensemble des cryptomonnaies) alors qu’il était, il y a quelques semaines, proche de 50.000 $, a entraîné une évaluation de la capitalisation du marché des crypto monnaies à 1,84 trillions de dollars le bitcoin est souvent capitalisé à 42% de l’ensemble de ce marché.

Les investissements selon une étude récente de l’ADAN confiée à KPMG, en capital risque en 2021, s’élèvent à 30 milliards d’euros contre 5 milliards en 2020.

Selon cette même étude, un Français sur 12 sur le plan de l’usage détient des cryptos aujourd’hui et un sondage a montré que 30% des Français déclarent envisager investir dans les cryptos dans l’année en cours dès que leur banque leur en propose.

Néanmoins il reste une image négative sur 2 aspects : l’information diffusée sur les cryptocrimes et d’un autre côté l’hésitation des banques à faciliter l’intégration des acteurs de la cryptomonnaie en France

Parlons un petit peu d’histoire des cryptomonnaies : le démarrage s’est fait avec le Bitcoin qui a été lancé en janvier 2009 (après la publication d’un article par Satoshi Nakamoto en Oct. 2008), exactement 13 ans après 19000000 de bitcoins ont été minés sur 21.000.000 prévus dans l’équation. Le bitcoin a illustré l’intérêt des crypto monnaies par des transactions de paiement rapide (voire instantané), dans un système fiable qui fonctionne sans intermédiaire et qui exécute les transactions sans frontières en temps réel, et d’une façon immuable, irréversible et traçable. Cet avantage a été illustré pendant l’invasion de l’Ukraine ou de nombreux donateurs ont transféré des cryptomonnaies aux dirigeants ukrainiens en temps réel et sans aucun intermédiaire. Le bitcoin dont l’application principale est le paiement et stockage de la valeur, a été suivi en 2015, par une nouvelle génération de blockchains, qualifiées de blockchains programmables, à l’aide de Smart Contracts greffés sur la blockchain et permettant le développement de diverses applications qui pourraient servir les citoyens, les entreprises ainsi que l’administration publique. Dans cette catégorie on peut citer Ethereum comme la plus grande blockchain réunissant un nombre impressionnant de développeurs et qui a été suivie par d’autres blockchains qui se sont positionnées comme « Ethereum killer » où l’on trouve Tezos, Cardano, Avalanche, Polkadot, Cosmos, Algorand, Solana et Polygon.

Les perspectives sont illustrées par les applications qui ont vu le jour dans cet écosystème, et qui sont en cours de déploiement. On y trouve, la traçabilité des produits dans divers secteurs (alimentaire, produits de luxe, industrie et logistique, transport), l’identité décentralisée (avec ses extensions sur les attestations vérifiables, pouvant augmenter la sécurisation des systèmes financiers traditionnels, ainsi que la simplification des processus de KYC), la gestion des titres de propriété (qui est devenu un secteur très en vogue avec le phénomène de NFT) … Mais le secteur qui traverse une croissance spectaculaire est celui du DEFI – Decentralized Finance ou Finance Décentralisée. Dans ce secteur on trouve, de nombreuses applications comme la gestion des assets/actifs, dépôts, prêts et emprunts, trading, produits dérivés, optimisation des revenus (yield optimisation), le stablecoin ou CBDC, les KYT, Les DAO, les DEX, le flash loans et les actifs synthétiques, ces 3 derniers étant rendus possibles par la Blockchain et n’ont pas d’équivalents dans les systèmes financiers rationnels.

Un chiffre illustre le momentum atteint par ces applications, en TVL ou total Value locked, sur Ethereum est estimé à 13 Milliards de $.

Enfin citons les NFT et les Jeux qui sont des conséquences du DEFI. Pour les NFT, sur Ethereum, on a réalisé 9 Milliards de vente en 2021, et on s’attend à 17 Mds en 2022. Les collections et objets d’arts numériques représentent 80% de ce montant. 80% des NFT sont gérés par des plateformes bâties sur Ethereum. D’où un coût excessif de transaction sur Ethereum qui peut dépasser parfois la valeur du NFT lui-même.

(Rappelons aussi les dépenses d’énergie sur Ethereum qui avoisine par transaction validée à 30 KWh, équivalent à « one US house consumption per day », alors que sur Tezos consomme 0,0016 KWh/transaction).

Enfin, notons que toutes ces activités ne passent pas sans cyber-risque. Des rapports sur les cryptocrimes sont publiés et il y a des sociétés spécialisées qui les analysent, en particulier pour identifier les adresses illicites, telle que Chainanalysis, qui a publié dans son rapport annuel, un montant de 14 Milliards en 2021 (le double de 2020) réparti entre blanchiment, financement du terrorisme, et vols d’assets sur un montant total de transactions de 15,8 Trillions de $ (le dernier vol noté étant celui d’Axie Infinity, leader du jeu P2E, qui s’est fait voler l’équivalent de 600 M$ de son bridge Ronin/Ethereum).

En conclusion, la Blockchain progresse, s’institutionnalise par secteur petit à petit …les finances décentralisées sont incontournables…. Mais elles posent un vrai défi aux régulateurs !